25
a dit jésus
aime ton frère comme ton moi intérieur (psychè)
veille sur lui comme sur la prunelle de tes yeux
Mt 22. 37-38 – Mc 12. 29-31 – Lc 10. 27
Dans cette vie nous sommes toutes et tous enfants du même Père. Bien sûr sommes-nous génétiquement différents, avons-nous subi des influences diverses par notre éducation, nos attaches culturelles, par les convictions éthiques ou religieuses de nos aînés. Surmonter ces différences relatives et focaliser notre esprit sur cette réalité unique, dans laquelle nous sommes unis dans une même loi absolue, voilà le défi qui nous concerne tous. À l’exemple de toutes les cellules de notre corps, notre tâche consiste à vivre en harmonie. Ceci implique également que tous et toutes nous sommes responsables les uns des autres.
«A ceci tous reconnaîtrons que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres.» (Jn 13. 35) Comme, dans leur naïveté, les disciples pensaient devoir redevenir petits pour avoir accès au royaume, nombreux sont ceux qui pensent qu’il suffit de respecter le commandement de l’amour du prochain, pour se garantir d’une vie éternellement bienheureuse
Il va de soi que le souci du prochain est une tâche essentielle dans l’expression de l’harmonie. L’amour du prochain ne pourrait pourtant être considéré comme le moyen suprême par lequel un but imaginaire – le royaume dans l’au delà – peut se réaliser.
L’amour est le fruit de notre union avec une source, qui à chaque instant nous délègue la possibilité d’aimer. Il ne convient pas d’accorder à nous-mêmes le mérite de la bonté, car tout ce que nous pouvons donner en amour nous le recevons ! Notre tâche principale consistera donc à fixer solidement nos racines dans cette source. («les hommes manquent de racines, ça les gène beaucoup
» Le Petit Prince XVIII) Dans une prise de conscience de notre intégration dans une loi absolue d’harmonie, de notre participation ici et maintenant dans la royauté du Père, réside notre responsabilité au service de notre prochain.
L’amour du prochain est sans aucun doute l’enseignement pratique principal, qui fut retenu des évangiles. Cet évangile laboure pourtant bien davantage le champ de notre conscience ! La valeur absolue à la base de toute expression de la vie s’appelle harmonie. Une harmonie dans les pensées s’exprime en intelligence, une harmonie dans les sentiments en amour
L’harmonie des deux est nécessaire pour qu’une action soit juste. Utiliser un savoir dans un état d’esprit égoïste est aussi peu justifiable que de vouloir exprimer la bonté sans posséder une connaissance nécessaire
Chaque conscience individuelle peut recevoir une inspiration , lui permettant de manifester harmonieusement amour et intelligence.
Chaque «moi» jaillit de manière égale d’une source absolue et a donc une valeur égale. Toute valeur accordée à sa propre personne est tributaire du psychisme individuel. Relativiser l’importance du moi dans une fraternité universelle permet de reconnaître dans chaque être, homme ou femme, blanche ou de couleur, arabe, juive ou chrétienne, cette qualité essentielle : d’être tous et toutes égaux dans notre unité avec l’Être absolu
26
a dit jésus
la paille dans l’il de ton frère tu la vois
mais la poutre dans ton il tu ne la vois pas
lorsque tu auras ôté la poutre de ton il
alors tu verras
et tu pourras ôter la paille de l’il de ton frère
Mt 7. 3-5 – Lc 6. 41-42
Parce que vivre en harmonie est la finalité de cette vie, chaque être aspire au bonheur, le fruit naturel de l’harmonie. Mais les lois de l’inférieur, les règles que l’homme a conçues pour lui-même, le pousse à réaliser ses propres ambitions et à s’affirmer lui-même dans une confrontation avec les autres.
Depuis que l’homme fit de l’ un le deux, et aussi longtemps qu’il persiste dans cette séparation, l’inférieur restera isolé de la lumière du supérieur. La loi qui prévaut dans le monde inférieur est celle du lion. Cette loi nous incite à détecter les faiblesses chez l’autre, afin d’en tirer profit. De ce fait les défauts des autres sont davantage l’objet de notre sens critique que nos propres manquements. Un changement de mentalité s’impose donc
Le point de départ de ce changement est une introspection personnelle et sincère. De quelles valeurs me suis-je donc paré ? Par quel subterfuge me suis-je accordé savoir, pouvoir et droits ? De quelle confusion suis-je devenu la victime ? La sincérité est le moyen le plus efficace pour reconnaître l’orgueil qui ne cesse de nous harceler, pour déceler dans notre il la poutre qui nous empêche de voir.Dans la loi d’harmonie point il n’y a de lieu pour jugement ou discrimination, car tous nous sommes à valeur égale issus de l’Être absolu. Quoi que soit le délit commis par un ou une autre, jamais nous ne pouvons juger à sa juste valeur des circonstances personnelles qui l’ont poussé à la faute. Jamais la reconnaissance d’une erreur chez son prochain ne nous autorise à porter un jugement sur la personne elle-même
«Aimer son ennemi» est une parole qui dans les évangiles fut malencontreusement attribuée à Jésus. En effet, le préalable à toute considération de quelqu’un comme son ennemi, est un jugement porté sur la personne elle-même. Ici se distingue la conception bouddhiste de la commisération : confrontés à une incompréhension envers l’autre, il convient d’être toujours conscient des restrictions de notre propre compréhension
À un aveugle nous ne pouvons faire le reproche de nous heurter
à moins que nous soyons aveugles nous-mêmes
27
si vous ne jeûnez pas au monde
vous ne découvrirez pas le royaume
si vous ne faites pas du sabbat le sabbat
vous ne verrez pas le père
Une fois de plus des rites juifs sont mis en cause par Jésus. Son attitude de rejet face à ces rituels ne nous est plus étrangère. Qu’ont-ils donc de si dérangeants ? Aussi bien le jeun que le sabbat réfèrent à une abstinence, mais leur vécu ne correspond plus à leur conception originelle. Le jeun ne peut se limiter à une abstinence temporaire d’une alimentation traditionnelle. Le sabbat ne concerne pas un rite hebdomadaire où l’on s’abstient d’une activité journalière habituelle pour se consacrer à Dieu.
Au logion 21 Jésus disait : mais vous veillez face au monde . Ici il s’engage davantage : jeûnez au monde
Ce jeun ne concerne pas un rituel temporaire mais un état d’esprit permanent ! Si nous voulons éviter toute confrontation avec le lion du logion 7, il importe http://www.unisson06.org/wp-content/themes/6jf9euuaqno729r3ow9j0110380/files/dossiers/religion/evangile_thomas/de renoncer aux valeurs que le lion impose. jeûner au monde ne signifie pas renoncer au monde, mais refuser toute implication dans les valeurs trompeuses que nous propose le monde inférieur. Avoir une attention pour une alimentation saine, afin de maintenir un équilibre biologique harmonieux, est certes louable. S’astreindre durant une période limitée à de strictes règles de vie et d’alimentation, pour satisfaire à un imaginaire commandement divin, n’est pas une attitude justifiable ! Une nutrition harmonieuse ne nécessite aucun jeun particulier
Un raisonnement analogue peut s’appliquer au sabbat. Le sabbat véritable ne nécessite aucune directive humaine
Une attention portée vers le supérieur ne pourrait se limiter à un rite hebdomadaire, mais devrait être un état d’esprit permanent dans notre conscience. Une participation à un rituel, qui tend à maintenir un juste état d’esprit intérieur, n’est certes pas à rejeter. Jamais pourtant un rite ne peut constituer un acte contraignant, dans le but d’obtenir pour soi une récompense éternelle
Une attention particulière portée à Dieu un jour sur sept, fut-ce le temps d’un rituel, ne pourrait compenser un attachement «au monde» durant les six jours restants ! La conscience d’un lien nous unissant à l’Être absolu se doit d’être un état permanent
Cet état implique tout naturellement un renoncement aux éphémères valeurs inférieures. Sabbat et jeun sont donc indissociables.
Voir le père ne pourrait évidemment être considéré comme une expérience sensorielle, mais comme une prise de conscience de cette réalité, que Jésus nous présente par l’entremise de l’image d’un père. Dans cet évangile les verbes «voir» et «entendre» sont quasiment toujours à prendre dans leur sens figuré.
28
a dit jésus
au milieu du monde je me suis tenu
en chair je leur suis apparu
tous je les ai trouvés ivres
personne parmi eux qui soit assoiffé
et mon moi intérieur (psychè) a souffert pour les enfants des hommes
car aveugles ils sont dans leur cur
et ils ne voient pas que vides ils sont venus au monde
et qu’ils chercheraient à quitter le monde étant vides
si ce n’est que maintenant ils sont ivres
quand ils auront rejeté leur vin alors ils changeront de mentalité
Le constat que fait ici Jésus est accablant
Quel est le sens d’une source s’il n’y a personne d’assoiffé
L’homme n’a plus conscience ni de son origine, ni de sa finalité. Dans une complaisance égocentrique il s’est enivré
Le corps physique, qui nous est confié et qui recèle tant de possibilités, est une entité précieuse mais servante. Pourtant, non sans une arrogance certaine, nous nous imaginons en être le propriétaire. Comme les gamins prirent possession de leur champ, nous aussi nous sommes devenus les orgueilleux possesseurs de notre corps. Nous vivons donc dans l’illusion d’être le seul maître de nos talents, de ce que nous possédons et croyons savoir. Nous nous sommes enivrés ! De la source de toutes nos possibilités nous nous sommes séparés. De cette ivresse l’enfant de sept jours, qui lui demeure toujours vide et donc pur dans l’unité avec sa source de vie, sera bientôt la victime
Car cela découle du pouvoir du lion, qui dicte sa loi dans le monde inférieur.
Comme la bonne terre représente pour la graine et son commencement et sa finalité, ainsi pour l’homme les deux ne font qu’un. Dans le rétablissement de l’unité dans sa source réside pour lui la réalisation de sa finalité : être source lui-même. Mais une coupe ne peut servir que si elle est vide
Alors seulement elle peut recevoir l’eau de la source et servir comme sert la source elle-même. Celui ou celle qui est parvenu à une juste connaissance de soi, qui a reconnu son ivresse, peut rejeter le vin et devenir à nouveau vide . La voie de la rédemption véritable passe par une purification intérieure. Ce cheminement là personne ne peut l’accomplir pour nous, ni Krishna, ni Bouddha, ni même Jésus
(voir le logion 38)
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