70
a dit jésus
quand vous aurez engendré cela en vous
ce qui est vôtre vous sauvera
si vous n’avez pas cela en vous
ce qui n’est pas vôtre vous tuera
La vie est un processus évolutif, caractérisé par une croissance spontanée et dirigé par une loi absolue. La tâche du semeur est de semer
Ce qu’ engendre l’unité de la graine et de la bonne terre n’est plus de sa compétence. La vie se manifeste spontanément ! Il y va de même pour le nouveau, qui peut s’épanouir dans notre conscience. Mais pour engendrer cela en nous il est nécessaire de labourer le terroir de notre conscience, afin qu’il devienne de la bonne terre. En cela consiste le nécessaire processus de purification intérieure. Alors seulement la vie pourra se manifester spontanément et engendrer cela en nous , par une intégration du supérieur dans l’inférieur.
Ce qui est le fruit du supérieur a une valeur absolue. Il ne s’agit plus d’un prêt mais d’un présent
! Qui reçoit la lumière n’est plus une ténèbre ! Qui n’a pas cela en soi est mortellement malade
71
a dit jésus
je renverserai cette maison
et personne ne pourra la reconstruire
Une fois de plus se pose la question de savoir en quelle circonstance cette parole fut dite. Que signifie cette maison ? En plus, jamais la tâche du fils de l’homme ne pourrait s’exprimer par une destruction, un combat «contre», un renversement
Une interprétation plausible ne peut, à notre avis, se dévoiler que par une référence au logion 66 et sa pierre d’angle.
Lorsque la pierre d’angle est méconnue par les bâtisseurs, l’édifice ne peut être solide. En le renversant cela peut être démontré
Combien de croyances ne furent-elles pas fondées sur des pierres d’angle plus que douteuses
?
72
un homme dit à jésus
parle à mes frères
afin qu’ils partagent les biens de mon père avec moi
il lui dit
homme qui a fait de moi un partageur
il se tourna vers ses disciples et leur dit
suis-je un partageur
Lc 12. 13-15
La tâche de Jésus est élevée au dessus des lois conçues par l’homme, afin de maintenir un ordre équitable dans ce bas monde. Une loi peut être bonne ou mauvaise. Cela ne le concerne pas. Lorsqu’une femme fut sur le point d’être lapidée, il ne s’est opposé ni à un jugement, ni à une loi. « Que celui qui est sans fautes jette la première pierre
» Il confronte l’homme à soi-même, à sa responsabilité.
D’autre part Jésus ne pourrait pas non plus être considéré comme un médiateur entre Dieu et les hommes. Le but de sa parole est de témoigner d’une lumière intérieure. La lumière n’intercède, ni ne départage , elle illumine
Quiconque se rend réceptif à sa parole et en recherche le sens véritable, peut bénéficier de l’illumination de son enseignement et reconnaître son «soi» véritable. Cette voie de rédemption chaque être doit l’assumer personnellement, sans médiateur. Voilà le défi que nous propose Jésus. Au besoin retournez au logion 38.
73
a dit jésus
la moisson est abondante mais les ouvriers sont rares
priez donc le maître qu’il envoie des ouvriers à la moisson
Mt 9. 37-38 – Lc 10. 2
En sa plénitude la vie est à notre disposition, car la moisson est abondante . Les rares ouvriers , qui ont atteint le lieu de la moisson, nous rappellent ceux qui, au logion 64, eurent accès au repas parce qu’ils parcouraient déjà le chemin
Parcourir le chemin suppose un engagement conscient, une volonté de se remettre en question, une prise de conscience de la nécessité d’une purification intérieure, afin de devenir réceptif à l’invitation du Père. Là où est le commencement, où demeure l’enfant de sept jours, où se réalise l’unité de la semence et de la bonne terre, là aussi est le lieu de la moisson. Celle ou celui, qui connaît l’endroit de l’unité, en connaît aussi la voie et participera dans la moisson. Je suis la voie, la vérité et la vie
(Jn 14. 6) Comme ce fut le cas pour le repas, l’invitation appartient au Père. La réponse toutefois ressort de notre responsabilité
L’image d’une moisson abondante est elle aussi peu conciliable avec notre vécu réel
L’attente d’une moisson dans l’au-delà est-elle toutefois plus réaliste
?
74
il a dit
maître nombreux sont ceux autour du puit
mais personne dans le puit
75
a dit jésus
nombreux sont ceux qui se tiennent près de la porte
mais ce sont les monachos
qui entreront dans l’endroit du mariage
Au logion 74 Jésus utilise l’image d’un point d’eau, d’un puit , qui dans les régions arides est source de vie. Au logion 75 il nous propose l’endroit du mariage , le lieu où est fêtée l’unité de l’homme et de la femme, unité qui est source de vie nouvelle. Le symbolisme d’une source a déjà été utilisé à maintes reprises. (voir le logion 29) L’image du mariage rappelle celle de l’unité de la semence et de la bonne terre. Tant pour le puit que pour le mariage, l’invitation est d’ entrer à l’intérieur .
Au départ de toute vie biologique humaine se trouve l’union d’un spermatozoïde et d’un ovule : l’unité du masculin et du féminin. La transposition de l’image biologique vers une réalité spirituelle est une démarche qui, dans les évangiles canoniques, est restée muette
Culturellement il était alors en effet plus que délicat d’accorder à la femme une valeur égale à celle de l’homme. (voir le logion 114 !) Dans les évangiles Jésus figure donc comme un époux sans épouse
! Dans son élévation de Jésus en tant que fils de Dieu, le psychisme paulinien ne pouvait concevoir un Christ de chair et de sang, qui serait «souillé» par quelqu’acte sexuel
L’image de l’unité de l’époux et l’épouse fut donc amputée de l’épouse
En s’accordant à elle-même le statut d’épouse du Christ, l’Église parât de manière plus que douteuse à sa propre incompréhension
Se tenir autour du puit ou près de la porte du mariage n’est pas la bonne démarche. Que peut faire la différence entre une présence à l’extérieur et celle à l’intérieur ? Au logion 75 la réponse est limpide : le monachos . Ceux ou celles, qui flânent autour du puit , qui, poussés par quelque curiosité, se tiennent près de la porte du mariage, préfèrent pourtant la terre ferme qui porte leurs pas ou la douce insouciance à l’abri de murs sécurisants de leur foi
Une simple curiosité ne suffit pas pour s’engager vraiment dans une voie de recherche spirituelle !
Le monachos s’est libéré dans son esprit, a relativisé la valeur du «moi» tributaire de normes relatives et précaires, et a reconnu sa valeur véritable dans le lien l’unissant à l’Être absolu. Cette union lui a révélé sa finalité de serviteur dans l’autorité du Père. Dans la prise de conscience d’un lien intérieur et donc vertical – à l’image du puit – il s’est débarrassé de liens horizontaux. Détaché, libéré, le monachos est devenu un dans la source et participe dans la fête du mariage.
Le monachos n’est pourtant reconnaissable à aucun signe extérieur. C’est l’état d’esprit intérieur qui importehttp://www.unisson06.org/wp-content/themes/6jf9euuaqno729r3ow9j0110380/files/dossiers/religion/evangile_thomas/. son engagement dans la société est marqué par une intégration de la lumière intérieure dans sa conscience. La tâche du monachos n’est ni de fuir la disharmonie, ni de la combattre, mais de faire rayonner cette lumière intérieure.
Toute forme de spiritualité suppose un cheminement intérieur . Ce cheminement fait nécessairement partie d’un équilibre mental naturel, qui détermine l’évolution de l’homme. Mais cette voie fut méconnue par les autorités religieuses. Notre parcours fut délimité par des commandements et des interdits, accompagnés de la menace d’une éternelle torture infernale… C’est la manière que choisit l’Église pour nous faire connaître l’enseignement de Jésus
à moins que ce ne soit la doctrine de Paul
Aujourd’hui, et depuis quelques décennies, nous constatons dans le monde occidental, un renouveau spirituel inspiré par l’exemple oriental. Bien que ce phénomène, appelé «new age», témoigne trop souvent d’un mimétisme superficiel, il reflète néanmoins un besoin réel de spiritualité, auquel une Église arthrosée ne peut répondre. Cet évangile n’a pourtant pas sa place dans une vitrine «new age» ! La metanoia , à laquelle Jésus invita ses disciples voici deux mille ans, était alors de toute évidence trop radicale pour être entendue. Aujourd’hui son invitation est plus que jamais actuelle. Reste à voir ce que vingt siècles d’histoire ont pu apprendre à la conscience humaine
L’homme est-il prêt aujourd’hui à une véritable et nécessaire introspection
? Son éveil est-il tel qu’il puisse vivre sa liberté, sa responsabilité, son intelligence et son amour dans une communion spirituelle avec la source de toutes ses facultés
?
76
a dit jésus
le royaume du père est comparable à un marchand
qui possédait un ballot et découvrit une perle
le marchand était un homme sage
il vendit le ballot et acheta pour lui cette perle
vous aussi cherchez le trésor qui ne périt pas
qui demeure dans l’endroit où la mite ne peut le manger
ni le ver ne peut le détruire
Mt 13. 45-46 et 6. 19-20 – Lc 12. 33
Le choix que fait le marchand est comparable à celui du pêcheur avisé au logion 8. Ici le marchand opte pour la valeur inaltérable de la perle plutôt que pour ses biens périssables. Une fois de plus est mis en exergue l’importance de l’intelligence, de la faculté de discernement qui nous est confiée. C’est un trait caractéristique qui distingue cet évangile des évangiles canoniques, où l’amour du prochain et le don de soi sont bien davantage à l’honneur. L’intelligence au service d’une réflexion religieuse libre et personnelle – comme, entre autres, Teilhard de Chardin en fit l’expérience – ne fut hélas jamais appréciée par les autorités ecclésiastiques
Comme nous est déléguée la faculté d’aimer, au même titre nous est déléguée la faculté de réfléchir
Dans l’autorité du Père notre tâche consiste à faire un usage optimal de toutes les facultés mises à notre disposition. Cela fait partie de notre responsabilité, qui est la conséquence de la liberté qui elle aussi nous est déléguée. En outre, toute expression de bonté n’a de valeur que si l’action se fonde sur une juste connaissance !
77
a dit jésus
je suis la lumière qui est sur eux tous
je suis le tout
le tout est venu de moi (*)
et le tout est venu à moi
fendez le bois là je suis
soulevez la pierre là vous me trouverez
Jn 8. 12
(*) Nous soupçonnons ici une inversion des lignes 4 et 5. L’expérience de la lumière intérieure, du vide dont le tout est pénétré, est en effet la base de l’expression qui peut en être faite.
L’expérience d’un état de conscience d’unité, dont témoignent mystiques et yogi, ne peut s’exprimer en paroles
La parole appartient au monde relatif et s’exprime donc en termes dualistes. La lumière et sa source sont un
Celui ou celle qui en soi-même reconnaît cette lumière est un avec la lumière et donc uni à sa source, qui est aussi le vide
Le vide est «cela» qui pénètre le tout , qui permet l’expression de chaque vibration, de chaque particule élémentaire, de chaque atome. Dans l’inférieur «cela» s’exprime en énergie et matière, en images et couleurs. Au plus profond de l’être du monachos «cela» se manifeste comme une lumière embrasante : je suis être, parce que le vide me pénètre de sa lumière et m’élève dans sa source
Ceci n’est pas l’expression d’une exaltation de soi, mais la reconnaissance d’une intégration dans et au service de l’Être absolu.
Ceux qui voient dans l’inférieur ne distinguent que des couleurs
Celle ou celui qui connaît la lumière, connaît toutes les couleurs ! Qui reconnaît la source dans le vide, voit le tout en soi et soi-même dans le tout . La suspicion de panthéisme, dont ce logion fait l’objet, appartient à ceux qui voient avec deux yeux et ne distinguent que des couleurs. Pour la lumière dans les couleurs leurs yeux sont encore trop faibles, leur conscience trop aveugle
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